Boutry Séance 9

Publié le par 1A 08/09 notes

Parlementarisme et démocratie au Royaume-Uni 


Le Royaume-Uni, berceau des institutions parlementaires, n’est pas à proprement parler le berceau de la démocratie. Si l’on veut en chercher les racines, on doit se tourner vers les Etats-Unis ou la France.  
La Grande Bretagne va se transformer très lentement vers une démocratie parlementaire.

Le suffrage universel n’arrivera qu’au début du XXe siècle. L’univers du début du XIXe reste aristocratique, conservateur, et libéral.

Néanmoins, l’une des grandes caractéristiques de la Grande Bretagne est de ne pas avoir connu de révolution au cours du XIXe siècle, même en 1848. Les Britanniques en sont très fiers, car cela montre l’évolutivité de leur régime.  

Le Royaume-Uni est au XIXe siècle le pays le plus avancé du monde sur la voie de la révolution industrielle. Ils représentent ce qu’on pu être les Etats-Unis dans les années 60, ou le Japon dans les années 80, c’est-à-dire l’Etat le plus moderne.  
Dès les années 1780, à cause de sa richesse en ressources naturelles, de l’importance de la propriété privée, et de la faiblesse de son marché intérieur qui l’oblige à commercer avec le monde, la Grande Bretagne s’achemine vers la révolution industrielle.

Cette révolution industrielle anglaise définit ce qui va être le modèle de toutes les autres révolutions industrielles. C’est une révolution énergétique, avec la houille et la vapeur, une révolution des transports, avec le canal, le chemin de fer, et le bateau à vapeur.

Quant à l’économie elle-même, elle se fonde sur deux grands secteurs, typiques de la première industrialisation : la métallurgie et le textile ( la laine et le coton ).

Le modèle britannique de développement est orienté vers les marchés extérieurs, contrairement à la France. La Grande Bretagne va s’appuyer sur une flotte, et constituer la première puissance maritime du monde, sur plan commercial et militaire.

Cette société déjà industrielle va donc assumer des caractères assez différents de ceux du reste de l’Europe. La Grande Bretagne est le pays le plus urbanisé du monde en 1850.

La population urbaine représente alors 50% de la population totale, ce que n’atteindra la France qu’en 1929. Se constituent des grands centres industriels, des villes comme Manchester, la ville du coton, Sheffield, Liverpool ou Glasgow.  
Londres constitue la plus grande ville du monde. C’est la ville des romans de Dickens, la première ville à dépasser le million d’habitants, ce que ne fera Paris qu’en 1850, à l’heure où  Londres comptera 2 millions d’habitants.
 

La Grande Bretagne est la première puissance du monde, même si son armée est réduite, et intervient peu. Elle dispose du premier empire colonial du monde. Certes, elle a perdu les Etats-Unis, mais elle domine la Méditerranée, avec Gibraltar, l’île de Malte… Elle possède des îles à sucre, marquées par l’esclavage, comme la Jamaïque, l’île Maurice, les Seychelles.

Elle possède surtout les Indes, mais aussi l’Australie, le Canada britannique, la colonie du cap en Afrique du Sud, les comptoirs d’Afrique, où elle se fournit en esclaves jusqu’aux années 1830. En 1842, elle acquiert Hong Kong. Palmerston déclare que si sous l’Empire romain, on affirmait « civis romanus sum », on peut aujourd’hui dire « civis britannicus sum ».  

 


I _ Les institutions britanniques après 1815 

      1 _ L’unification du pays  

Waterloo, 18 juin 1815, est la fin de l’hégémonie française en Europe. La Grande-Bretagne accentue encore sa domination sur l’Europe et sur le monde. Cette supériorité anglaise va durer jusqu’à la fin du XIXe siècle, avec deux rivaux, les Etats-Unis, et l’Allemagne.

La Grande-Bretagne est unifiée, même si elle comprend plusieurs ensembles. Il n’y a qu’une seule couronne, qu’un seul Parlement, qu’un seul ministère.  


      2 _ L’évolution des institutions  

Les institutions britanniques reposent sur l’absence d’une constitution écrite. La monarchie constitue de plus en plus un symbole, dont il ne faut pas négliger l’influence politique. La personne du roi est inviolable et sacrée, le roi est chef de l’Eglise établie. Il nomme aux principaux emplois, il nomme aussi les évêques. Il possède le droit d’anoblissement, ou le droit de grâce. En théorie, il peut dissoudre le Parlement, mais ne le fera jamais au XIXe siècle. Les derniers monarques de la dynastie de Hanovre sont très affaiblis. Georges III est atteint de démence, son fils, « le Prince régent », lui succède 1820 à 1830, sous le nom de Georges IV, et mène une vie dissolue. Il n’a pas d’enfants, mais son frère Guillaume IV lui succède, jusqu’en 1837. C’est en 1837 qu’arrive au pouvoir Victoria, qui va régner jusqu’en 1901. On parle de « l’ère victorienne ». Elle épouse le Prince Albert, et c’est à partir de cette princesse que les Britanniques vont reconstruire une image moderne la monarchie.  

Aux côtés du monarque, il y a le cabinet des ministres. Le système est parlementaire : les ministre sont nommés par le roi ou la reine, mais doivent posséder une majorité au Parlement. Il y a un Premier Ministre, et quelques autres. Ces ministères ne sont pas solidaires, chaque ministre ayant une responsabilité propre.  

Le Parlement siège à Westminster. Il vote le budget, examine les propositions de loi, les Bills, et les transforme en lois, les Acts. Ses membres sont inviolables, et c’est là que réside le pouvoir réel. Il y a la chambre haute, la Chambre des Lords, aristocratique. On distingue les Lords temporels, qui représentent l’aristocratie, et les Lords spirituels, évêques et archevêques anglicans. Ils ont l’initiative des lois, sauf pour le budget. Ils ont la primauté sur l’autre chambre.  

La Chambre des Communes, la chambre basse, élit son président, qu’on appelle le speaker. Elle possède l’initiative des lois, et même exclusivement en matière financière. C’est une chambre élue au suffrage censitaire, selon un système complexe qui remonte au Moyen-âge. On a deux types de représentants, les représentants des Comptés, les « free holders », la petite noblesse rurale, et les « free men », les représentants des bourgs, avec la petite noblesse et quelques membres de la bourgeoisie marchande.

Elle souffre d’un déficit de représentativité, parce qu’elle privilégie l’Angleterre du Sud-est pour des raisons historiques, alors que l’Angleterre industrielle est au Nord, et attire une population de plus en plus nombreuse. Il existe ce que l’on appelle les « bourgs pourris », qui comptent moins de 1500 habitants, où les votes s’achètent.  


      3 _ La naissance des « partis » 

Les députés des communes s’organisent en groupes, ou partis. Ce sont des groupes d’intérêts, ou d’affinités. Il existe les Whigs ( les libéraux, qui ont fait la glorieuse révolution de 1688, et sont hostiles aux prérogatives royales ) et les Tories ( les conservateurs, favorables à un pouvoir fort et à une prérogative royale ). Ce sont les Tories qui ont mené la guerre contre la France révolutionnaire et impériale.

A cause de la guerre, à cause aussi de la répression contre les démocrates, ce sont les conservateurs qui dominent depuis la fin du XVIIIe siècle, et jusqu’aux années 1830. Ils réunissent des représentants de l’aristocratie traditionnelle, et de la noblesse terrienne, rurale, la Gentry. Ce sont des partisans de la monarchie et de l’Eglise établie. Ils favorisent une expansion militaire et navale de l’Angleterre.  

 


II _ Les réformes libérales 


      1 _ Les exclusions religieuses 

La Chambre des Communes souffre d’un déficit de représentativité. On pourrait dire que la société légale n’a plus rien à voir avec la société réelle. L’Angleterre du début du XIXe siècle est marquée par des exclusions, religieuses, sociales, et nationales.

Au niveau religieux, l’Angleterre est passée à la Réforme sous l’autorité du roi Henri VIII. Ce mouvement réformateur s’est accentué aux XVIe et XVIIe siècles. Il a mis en place des églises établies, l’Eglise anglicane, dont le roi est le chef ( c’est une Eglise de type national ) et en Ecosse, l’Eglise d’Ecosse, avec une structure beaucoup plus démocratique. Elle est presbytérienne, de tradition calviniste, car dirigée par des pasteurs.

Ces deux Eglises sont les seules reconnues par l’Etat.

S’y ajoute une Eglise d’inspiration anglicane, l’Eglise d’Irlande, la seule reconnue dans l’Irlande à majorité catholique.  

A la fin du XVIIIe siècle, le monde du Protestantisme britannique est agité par un renouveau religieux de type populaire. C’est ce que l’on appelle un « revival », un réveil.

Des pasteurs viennent prêcher la religion chrétienne aux populations ouvrières. Le plus célèbre d’entre eux est Wesley, qui va fonder des églises méthodistes.

Elles représentent un Protestantisme très populaire, elles se développent à travers des assemblées en plein air, des « meetings », elles organisent des écoles du dimanche, pour l’alphabétisation et l’évangélisation.

La démocratie passe par ce nouveau Protestantisme.  

En revanche, les catholiques d’Irlande demeurent exclus à la fois de ce renouveau et de toute vie publique. Or, dans le système britannique, seuls les Anglicans peuvent voter.

Les autres protestants sont connus comme des protestants en rupture avec l’Eglise établie, et donc exclue de la participation politique.  


      2 _ Les exclusions sociales 

Nous sommes dans un système censitaire, où seuls les plus riches peuvent voter.

Or, la société britannique est transformée très rapidement par l’industrialisation. D’autre part, après Waterloo, la transition de l’économie de guerre à l’économie de paix est difficile, crée du chômage, une agitation sociale.

Ce premier monde ouvrier commence à manifester, à réclamer ses droits. Les conservateurs n’hésitent pas à envoyer l’armée, comme en 1819. Ce nouveau monde industriel réclame une réforme. Il va adopter le mode du « meeting », inventé sur des bases religieuses, des rassemblements de protestation sociale et politique.  


      3 _ Les exclusions nationales 

La question irlandaise commence à se poser dans toute son ampleur.

L’île voisine a été progressivement colonisée par l’Angleterre entre la fin du Moyen-âge et la fin du XVIIe siècle. A deux reprises, elle a été dévastée par des armées protestantes. La première fois par Cromwell en 1649 avec les puritains, et surtout la deuxième fois avec les armées de Guillaume d’Orange en 1690, qui écrase l’armée catholique.  

Une tentative révolutionnaire échoue en 1798, et en 1800, le Parlement décide l’Acte d’Union. Le Parlement de Dublin est supprimé, et désormais, l’Irlande n’est représentée qu’à Westminster. Ce triomphe britannique va avoir une conséquence désastreuse, il va faire entrer la question irlandaise au Parlement britannique.

Or, la situation irlandaise est explosive. Sur un plan social et économique, la situation des paysans irlandais n’a cessé de s’aggraver. Les biens de ces paysans ont été confisqués et donnés à des propriétaires terriens britanniques, non résidents, en anglicans. Cette population grandit démographiquement, et vit dans des conditions de plus en plus misérables. Les impôts sont particulièrement lourds, et mal supportés, surtout que s’y ajoute la dîme pour l’Eglise anglicane.

L’Irlande fait figure de pays de misère, de précarité, d’analphabétisme, d’alcoolisme, et cette population commence à émigrer en Angleterre pour rechercher les emplois industriels, notamment dans les ports, Glasgow, ou Liverpool, transposant la question irlandaise en Angleterre.  

Sur le plan religieux, cette Irlande catholique fait bloc autour de ses pratiques. L’appartenance au catholicisme constitue un mode de résistance. C’est autour de la culture catholique que se reconstitue une identité irlandaise, et une revendication nationale.

Celui qui va l’exprimer sera l’avocat catholique Daniel O’Connell. C’est un libéral, hostile à la Révolution Française. Il fonde en 1823 la « Catholic Association », un mouvement populaire financé par la population irlandaise. Il organise d’immenses meetings, à la fois religieux et politiques, où les catholiques réclament les mêmes droits que les protestants.

Il parvient même à se faire élire, par des protestants, en 1828, mais son élection est invalidée parce qu’il est catholique.  
 
 

      4 _ Des réformes plutôt que la Révolution  

Face à ces exclusions, les conservateurs cèdent du terrain. Wellington, le vainqueur de Napoléon, qui dirige l’Angleterre, et son collaborateur, Peel, comprennent qu’il faut réformer pour éviter une révolution.

En 1828, le gouvernement conservateur abolit les interdictions pour les « dissenters », les protestants non anglicans.

En 1829, le roi Georges IV signe le Bill d’émancipation des catholiques. Il leur accorde les droits civils, l’accessibilité à tous les emplois, sauf la chancellerie ou la royauté. Par contre, il dissout l’Association Catholique, et fait passer le cens des catholiques de 2£ à 10£ afin d’éviter un afflux d’électeurs irlandais. Ces deux Acts mettent fin aux exclusions d’ordre religieux : pour le Judaïsme, il faudra attendre 1850.

Mais les conservateurs perdent du terrain, et des coalitions avec les libéraux doivent se former à partir des années 1830.

 
En 1832, les Whigs l’emportent. Les Lords Grey et Russel se résolvent à une réforme électorale. C’est le « Great Reform Bill » du 4 juin 1832, qui vise à achever une campagne de protestation politique. Elle supprime les « bourgs pourris », le cens est abaissé ( on passe de 200 000 à 800 000 électeurs ). Les circonscriptions électorales sont modifiées.

C’est l’ouverture aux classes moyennes qui est réalisée, faisant entrer dans le corps électoral la petite et la moyenne bourgeoisie.

Le gouvernement libéral a su éviter une révolution de type politique.  


III _ Le Chartisme et son échec 

      1 _ Les revendications populaires 

Les gouvernements vont faire face à une agitation politique et sociale dans les années 1840, le mouvement Chartiste, du nom de la Charte des revendications populaires.

Les revendications populaires sont nombreuses. Elles dénoncent les « lois sur les pauvres », prises dans les années 1830. Elles consistent en la dissuasion à l’assistance : l’assistance doit être pire que le travail dans les plus mauvaises conditions. On construit des sortes d’ateliers pour les pauvres, les « work houses », qui reçoivent un financement par la taxe sur les pauvres. Les pauvres y sont enfermés, doivent travailler dans des conditions sordides. Pour y échapper, les ouvriers préfèrent s’entasser dans les villes.  

Une autre source de tensions est le protectionnisme.

Ce sont les propriétaires ruraux qui continuent à dominer l’Angleterre. Or, l’Angleterre n’est pas un grand pays agricole. Pour maintenir leurs revenus, les propriétaires terriens ont fait voter les « Corn Laws », qui maintiennent le prix du blé à un niveau élevé. Or, l’Angleterre pourrait se ravitailler à meilleur prix en achetant le blé à l’étranger, en Russie ou au Canada.

Le pain est donc cher en Angleterre, et les ouvriers protestent contre les privilèges des grands propriétaires fonciers. Le personnage principal est un industriel du coton, William Cobden, qui revendique le libre-échange pour faciliter le commerce, faire baisser le prix du pain.  

Enfin, l’agitation irlandaise continue, cette fois-ci autour de la dîme. Les paysans irlandais refusent de payer cet impôt. O’Connell réclame le « repeal », le rappel du Parlement à Dublin. Il réunit des meetings qui vont compter jusqu’à 250 000 personnes. Son mouvement tend à lui échapper, à se radicaliser, avec l’arrivée des Young Irish Men. 


      2 _ Les premières agitations ouvrières 

On voit se mettre en place une première agitation ouvrière. Les associations ouvrières apparaissent, avec des sociétés mutuelles, et les premières Trade-unions, les syndicats.

Des théories socialistes font leur apparition, avec Robert Owen, qui écrit son « New Moral World », une sorte de réorganisation fondamentale de la société sur l’association.

On retrouve les mêmes thèmes qu’en France avec Louis Blanc, Fourier, ou Proudhon.  


      3 _ Le Chartisme  

C’est la naissance du Chartisme, qui va fédérer toutes ces aspirations. La Charte du Peuple de 1838 comprend 6 points : suffrage universel, renouvellement annuel du Parlement, scrutin secret, indemnités parlementaires, suppression du cens pour la députation, égalisation des circonscriptions électorales.

Cette agitation chartiste passe par des meetings nombreux et réprimés, mais aussi pas des Petitions au Parlement. Tous ces mouvements seront réprimés en 1847-1848.

Le Parlement choisit la voie de la résistance, mais aussi de réformes graduelles. On refuse le suffrage universel, au nom de la propriété. Peel accepte de retirer les lois sur le blé, et abolit graduellement les mesures protectionnistes. Il favorise ainsi le pain à bon marché, la destruction de l’agriculture anglaise, mais aussi une expansion commerciale. C’est l’âge du libre-échange, « laisser faire, laisser passer ».

Le mouvement chartiste est réprimé, et la question irlandaise semble se régler d’elle-même par la grande famine de 1846, qui fera 800 000 morts, dans laquelle l’Etat n’interviendra pas.  

Conclusion  

En 1850, la conjoncture économique se retourne, une nouvelle vague d’expansion se manifeste. En 1851, c’est l’exposition universelle de Londres, qui manifeste son extraordinaire puissance commerciale, industrielle, maritime et coloniale.

L’Angleterre est bien la première puissance du monde, et un philosophe allemand, Marx, décide de quitter Paris et de s’établir à Londres, car il pense que c’est de là que viendra la première révolution prolétarienne.

Publié dans Semestre 1

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