BL6 - Rhétorique et démonstration : insertion des sciences et le...

Publié le par 1A 08/09 notes

Rhétorique et démonstration : l'insertion des sciences et le prix de l’objectivité                                

 

Il faut passer des techniques aux sciences ; ces premières sont au premier abord presqu’invisibles : mais il est aisé de les matérialiser, et elles ne sont pas si souvent présentes dans les grands enjeux idéologiques. Au contraire, les sciences sont plus visibles à la conscience mais moins faciles à matérialisées, et elles sont toujours attachées à d’immenses enjeux idéologiques, moraux et politiques.

 

I] Une première difficulté : l’opposition dressée dans nos cultures entre la rhétorique et la raison (ou la démonstration).

         1) L’opposition entre rhétorique et démonstration

 

Les fables, c’est l’ajout d’une histoire, d’un apologue à la raison afin d’intéresser le public. Il faut commencer l’étude de cette question par celle de l’histoire de la philosophie : en effet, cette dichotomie commence avec Socrate et les sophistes (Gorgias ou Polos). Le sophiste voit la rhétorique comme une puissance surnaturelle ; Socrate la méprise et oppose le nombre des arguments à la raison (« Un homme qui a raison a raison face à mille Aristote et mille Démosthène », Galilée). Pour le philosophe, l’homme politique ne peut pas contredire, il s’identifie à la foule (girouette). La rhétorique est « un artisan de cette sorte de persuasion, faite pour emporter la conviction, mais pas pour éduquer le peuple ». Les sophistes oublient la géométrie dans leur vision du monde comme un « cosmos », quelque chose d’ordonné.

 

C’est une double différence qui est formée entre raison et persuasion. Pour Platon, elle s’établit entre Socrate qui démontre droitement et Calliclès qui persuade perfidement la foule et la mène sans souci de la vérité. Pour les sophistes, c’est entre les exigences de la démonstration propres à la géométrie et celles, autrement plus difficiles, de la politique, qui exige de parler en temps réel, au plus grand nombre, sans connaissance complète pour prendre des décisions vitales. La solution d’Aristote, c’est de dire que la rhétorique est un outil supplémentaire et surtout indispensable pour atteindre la réalité.

 

         2) Un double paradoxe : la preuve « indiscutable »

 

L’origine du problème c’est que la croyance en une vérité qui s’imposerait d’elle-même sans aucun effet supplémentaire. C’est toujours une idée de mise à nue, d’évidence. Il n’y a pas de discussion possible quand on est devant la vérité, et on utilise cette image, on en arrive à « la preuve indiscutable » dans l’apodictique (raisonnement nécessairement vrai et logique) comme dans la rhétorique.

Mais l’évidente, au début, n’est pas évidente et les faits indiscutables peuvent toujours être discutés, au début. Cette preuve que l’on présente pourtant comme telle diffère dans sa nature : elle use tour à tour de la puissance des figures et des récits (fables) et de la puissance de la preuve matérielle.

 

La rhétorique, c’est le paradoxe d’un outil méprisé et indispensable : parasite de la vérité d’une part, indispensable à sa manifestation de l’autre.

La démonstration, c’est le paradoxe d’un outil toujours suffisant et insuffisant : les preuves sont indiscutables parce qu’elles sont directes, mais discutées avant de devenir directes, et finalement la démonstration est la rhétorique des mathématiques.

 

II] L’absorption de la différence et des paradoxes

1) Ancrer les énoncés flottants

 

Peut-on absorber ces paradoxes, reprendre la question sans utiliser la division rhétorique/démonstration ?

Convaincre, c’est faire que les opposants modifient leur répartition des pours et des contres en transformant le projet, c’est accroître le degré de composition, de conviction.

 

« Mettre en bulle » les énoncés, c’est se rapprocher des sciences, de l’origine d’un énoncé : on ne transmet pas un message flottant sans origine, mais on va vers ses conditions de productions. Les preuves directes sont toujours très indirectes, il faut construire des preuves or on ne peut le faire sans allier rhétorique et démonstration. Repeupler les sciences et les techniques, c’est relocaliser, resocialiser, et rematérialiser les énoncés.

 

Pour tracer l’origine des énoncés, il faut se poser de nombreuses questions :

1.      Qui parle à qui et contre qui ?

2.      Quand et où ?

3.      Avec quel équipement, venant de quelle profession, partageant quelle vision du monde ?

4.      Financé par qui ?

5.      Quelle modification subit l’énoncé ?

6.      Que devient l’énoncé après qu’il a été stabilisé ?

 

La différence rhétorique/démo apparaît indispensable mais doit en même temps être mise en doute et faire l’objet d’une enquête pour comprendre

Les humanités scientifiques sont nécessairement au milieu d’une vaste polémique entre les deux grands récits alternatifs des liens science/société

Il faut apprendre à payer le prix complet de l’objectivité, ne pas accepter qu’il y ait des énoncés flottants.

C’est par l’enquête empirique que l’on pourra délimiter les parts de vérité des deux versions


Publié dans Semestre 1

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