FM5 - La pensée contre-révolutionnaire

Publié le par 1A 08/09 notes

La pensée contre-révolutionnaire

 

Introduction

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces pensées sont variées et apportent des réponses argumentées aux questions du XIXe siècle.

On comprend la crispation contre-révolutionnaire par rapport aux utopies notamment, comme celle de Courier et de son phalanstère (« nouveau monde industriel »). Ce mot est formé de phalange (unité militaire) et de monastère : l’individu et ses désirs sont réglés. Le plan (le seul que nous ayons est de 1829) montre un bâtiment immense (deux fois et demi Versailles), où peuvent habiter 1600 sociétaires. Ils reçoivent une instruction divertissante et morale, c’est un lieu de partage de la pensée, une société organisée selon les passions visant à l’amélioration de la production industrielle.

On pourrait appeler cette vision « constructiviste » : et c’est contre le constructivisme que se forme la pensée contre-révolutionnaire. Ils effectuent le même rejet de l’individualisme mais en se projetant vers le passé et non le futur.

 

Tout comme le terme individualisme, qui apparaît dans les années 1820, ou progressiste, qui apparaît en 1830, 15 ans après « progressif », le mot réactionnaire apparaît vers le XIXe siècle (1794), durant la révolution. C’est la même chose pour le terme « conservateur », qui ne correspond pas au même retour à l’ordre que prônent les conservateurs, mais est élogieux, c’est l’inverse de l’anarchie, du désordre.

 

I] Burke et la critique d’une révolution destructrice

         1) Le personnage de Burke

 

Les deux réactionnaires les plus connus sont Burke et Joseph de Maistre. Burke (1729-1777) est le plus célèbre des adversaires de la Révolution Française, avec sa Réflexion sur la Révolution de la France davantage connue hors de France qu’en France. Il critique au nom du modèle anglais et du libéralisme, oppose ce modèle et la supériorité anglaise.

Burke lutte contre l’abus de pouvoir royal : pour cette raison, il intervient pour défendre des gens opprimés par trois fois.

§         1770 : il défend les colons américains contre les soldats britanniques.

§         Il défend les catholiques irlandais contre le pouvoir britannique.

§         Il défend l’Inde contre l’oppression de la Compagnie des Indes Orientales.

On pourrait de ce fait s’attendre à ce qu’il soutienne la révolution : pourtant, dès 1789, il s’oppose à la volonté de construire un ordre nouveau, le constructivisme révolutionnaire.

 

         2) La pensée réactionnaire de Burke

 

Tout en étant sensible à la destruction opérée par l’absolutisme français, il regrette le fait que les Français ne soient pas retournés à des libertés plus anciennes (conseils provinciaux), y opposant le modèle anglais.

En effet la constitution anglaise pose des « digues infranchissables à tout débordement de l’arbitraire », c’est une politique de la modération : le modéré est celui qui tient compte des intérêts divergents des individus et des groupes sociaux. On échappe à l’uniformité de la règle par la divergence des intérêts et des volontés. Il y a à la fois l’idée moderne du conflit d’intérêt et l’idée de protection de la liberté par le retour aux anciennes valeurs, la conservation de la hiérarchie.

Burke fait l’éloge de la jurisprudence (accumulation historique du droit) et s’en prend à l’idée de la formation d’un homme nouveau, qu’il juge arrogante, plaide pour une continuité. Il encourage la coutume face à la raison, c’est l’ancienneté qui accumule la sagesse des générations : il fait l’éloge des préjugés.

Il s’oppose au contrat au sens rousseauiste du terme (parle de « division » monstrueuse : en 90, la France a été divisée en départements, destruction de l’histoire), n’accepte que celui originel créant les sociétés. Pour lui la liberté périra de cette destruction.

 

II] Joseph de Maistre

            1) Les considérations sur la France et l’idée de la providence

 

On retrouve la critique des droits de l’homme et de leur abstraction ; il admire beaucoup Burke et s’en inspire. Toutefois il a connu la Terreur et s’interroge alors dans ces termes : « Comment Dieu peut-il permettre aux méchants (= les révolutionnaires) de triompher ? ». La seule possibilité c’est que du bien puisse être issu de ce mal.

Maistre est un sénateur, polyglotte et franc-maçon. Horrifié par la révolution française et notamment en réaction à la terreur, il publie son ouvrage Considérations sur la France.

Il trouve incompréhensible l’idée qu’on puisse trouver l’universalité dont se réclament et que vantent les révolutionnaires (déclaration universelle des droits de l’homme, etc.).

Il emploie l’idée de la providence : c’est une punition divine. Cette thèse de l’effet pervers, grand ressort réactionnaire, est la radicalisation de l’idée de la conséquence involontaire, qui devient alors inéluctable.

 

         2) Les soirées de Saint Petersburg et l’éloge du bourreau

 

Dans son ouvrage le plus connu, Soirées de Saint Petersburg (retranscriptions de véritables conversations autour de réflexions philosophiques), il met en scène le comte, figure de Maistre, qui mène le débat, le Sénateur, deuxième voix de la sagesse, et le chevalier, émigré français naïf. Il y fait notamment l’éloge du bourreau, montrant que celui-ci est l’instrument de l’Histoire.

L’Homme est méchant, le méchant est le bourreau de lui-même : le bourreau de l’histoire vient apprendre à l’homme qu’il s’est trompé et permet l’émergence d’un nouvel ordre, notamment religieux : pour Maistre, le bourreau de l’Histoire ultime est Napoléon. On ne peut revenir en arrière, mais l’Empire mène par son bain de sang à un nouvel ordre.

Cette idée de punitions nécessaires on le retrouve en France, chez Baudelaire, chez certains romanciers, après 1870 et 1914 : c’est un schéma de compréhension des défaites. Pétain, malgré sa collaboration, est plus proche de cette pensée (« vous payez des fautes qui ne sont pas les vôtres » « souffrez, alors l’épreuve devient bienfaisante ») que du nazisme : c’est une guerre contre l’individualisme.

 

Tous deux hostiles à la Révolution, les deux réactionnaires restent différents. L’un est opposé au constructivisme progressif au nom d’une politique de modération, l’autre est hostile à la Révolution en y voyant la destruction de l’ordre parfait et religieux du monde. Voulant être anti révolutionnaires, ils n’arrivent qu’à être post révolutionnaires.

 

Publié dans Semestre 1

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