[B1] Géopolitique de l'Europe au milieu du XVIIIe siècle
L’AVENEMENT DES REGIMES ET DES SOCIETES MODERNES 1750-1850
Cours 1 : Géopolitique de l’Europe au milieu du 18e siècle
I. L’Europe des monarchies traditionnelles
Ce qui domine : états dynastiques. Une dynastie est une famille dont on reconnaît le pouvoir sur un ensemble de peuples. Il s’agit de grands ensembles construits autour de la légitimité d’une seule famille. 4 entités dynastiques : empires, royaumes, états ecclésiastiques, républiques.
Empires
Saint Empire Romain Germanique : le plus ancien. Construit sous Charlemagne. Europe germanique, plus de 300 états de ce qui constitue aujourd’hui l’Allemagne, l’Autriche et la République Tchèque. Grands états comme l’Autriche ou la Prusse, petites villes ou micro-états. L’Empereur est sacré à Francfort, issu de la dynastie des Habsbourg, assisté de la Diète (assemblée générale du SERG qui se tient à Worms en Allemagne). Le SERG marche mal et est menacé par la fortification interne de la Prusse autour de Berlin.
Empire d’Autriche : à l’intérieur du SERG, même empereur, les Habsbourg sont établis autour de Vienne. Recouvre l’Europe orientale, en partie la Belgique actuelle et l’Italie partiellement. Etat allemand et catholique. Les sujets ont de nombreuses nationalités, et 5 religions différentes.
Empire ottoman : du nom de la dynastie turque. Est présent sur 3 continents : l’Europe avec les Balkans, la Grèce, la Bulgarie…, l’Asie avec la Turquie, l’Irak, le Liban, la Palestine, la Syrie.., et l’Afrique de l’Egypte à l’Algérie. Capitale : Istanbul. Religion dominante : Islam, minorités juives et orthodoxes. Empire en déclin à la fin du 18e siècle, cède la Crimée et la Hongrie.
Empire russe : puissance montante à l’Est. Dynastie des Romanov, établis à Saint Pétersbourg (Mer Baltique). Deux grands tsars au 18e : Pierre le Grand et Catherine la Grande qui ont accru beaucoup de puissance grâce à l’accès aux mers libres (pas de glaces) : la Mer Baltique et la Mer Noire. Expansion vers l’Est jusqu’en Asie mineure. Chef : Tsar qui est aussi le chef de l’Eglise orthodoxe, religion majoritaire. Ici aussi minorités confessionnelles.
Monarchies
Les monarchies sont plus restreintes mais plus unifiées que les Empires.
Royaume de France : le plus ancien et le plus riche au début du 19e. Dynastie des Bourbons, gloire acquise grâce à Louis XIV. En expansion permanente, sous Louis XV on gagne la Lorraine et ensuite la Corse. Possession de beaucoup d’îles à sucre (Antilles, Ile Maurice= Ile de France à l’époque, Réunion…), comptoirs en Afrique. Mais cède les comptoirs des Indes et le Québec donc il y a un certain déclin. Nation catholique.
Royaume-Uni : puissance montante, dynastie des Hanovre. Pays de Galle, Ecosse, Irlande. C’est la plus grande puissance coloniale du monde : possession des Etats-Unis, et d’îles à sucre comme la Jamaïque, commence à s’implanter en Inde.
Royaume d’Espagne : régit par une des branches des Bourbons. C’est le plus vaste empire colonial ancien avec l’Amérique latine, Cuba (seule île à sucre) et Philippines. Phase de modernisation, mais a perdu puissance militaire au profit de la France et du Royaume Uni.
Royaume du Portugal : Dynastie des Bragance. Egalement grosse puissance coloniale : Angola, Mozambique, comptoirs en Afrique et en Chine.
Royaumes scandinaves : Danemark (Norvège + Islande) et Suède.
Royaumes ecclésiastiques
Etats princiers en Allemagne, Etats du Pape en Italie
Républiques
Ce ne sont pas des Républiques au sens moderne. Il s’agit de républiques nobiliaires comme en Pologne (mais ça a sombré ensuite au profit des voisins) ou aristocratiques comme Venise ou Gênes, ou fédérales comme les Provinces Unies (= Pays Bas actuels) ou les cantons suisses.
II. L’ordre ancien et la modernité politique
Sociétés surtout rurales, fondées sur le privilège. Profondément inégalitaires entre les différents corps (collectivités humaines). Privilège vient du latin privata lex qui signifie loi privée, particulière. On appelle aussi ces lois des « libertés », des « franchises » ou des « exemptions ». Certains corps sont privilégiés : le clergé a des droits privilégiés, la noblesse aussi. Noblesse (de robe, d’office, ou de cour) domine la société, très riche, ne paie pas ou très peu d’impôt, transmet par la naissance l’armature des états européens.
Tout ce qui n’est pas noble est dit roturier. Cela concerne d’une part les bourgeois (habitants des bourgs, ou villes), qui ont aussi des privilèges, sont au service de l’Etat et exercent des professions libérales. D’autre part il s’agit du petit peuple des villes et la masse des campagnes soumis aux droits seigneuriaux. Enfin les gens sans aveu (équivalents des SDF) qui constituent une population marginale, vagabonds, mendiants, classe mouvante réputée dangereuse.
Société fondée sur la théologie politique. Les monarchies sont toutes sacrées, le prince se représente comme l’élu de Dieu (ex : le Calife de l’Empire ottoman ou le Tsar russe). Tout sujet est lié au Roi par un lien sacré. Toute autorité est sacrée. Le pouvoir du monarque est dans son essence absolue. La théologie politique renforce le pouvoir du monarque.
Philosophie politique nouvelle : les Lumières= théorie des droits naturels de l’homme, que le droit antique ignorait. L’esclave est dans le droit humain une chose (res) échangeable, tuable. L’esclavage est également présent dans les sociétés coloniales. Conception religieuse des droits de l’homme : si l’homme est créé à l’image de Dieu, il doit avoir une dignité en tant que créature divine. De cette conception religieuse a découlé une conception laïcisée : l’homme doit avoir une dignité parce qu’il est homme ; il s’agit des théories de J. Locke et de J.J. Rousseau avec le contrat social. Ces théories s’opposent frontalement avec celle de l’individu de droit divin, et s’inscrivent au cœur de la politique moderne. On parle de pensée critique des Lumières. Pensée car il s’agit du fruit de réflexions de philosophes, de penseurs et non d’un théoricien unique ; critique car on examine le réel et la tradition (fruit de l’histoire) à la lumière de la Raison, clef de voute de la philosophie des Lumières, et que l’on associe souvent à la notion d’utilité. Kant a écrit « Les Lumières c’est une sortie de l’homme de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable », c’est « faire un usage publique de la Raison » (Qu’est ce que les Lumières ?). L’homme doit sortir d’un état d’enfance, où il est assujetti, infantilisé pour accéder à un état de droit de la Raison. Son usage public signifie que dans les institutions il faut qu’il puisse y avoir un débat. Les mots clefs de cette nouvelle philosophie sont donc : Raison, utilité, progrès et homme. La première philosophie politique moderne naît d’abord en Europe occidentale avec l’apparition d’opinions publiques, d’espaces publiques (ou le débat est possible) qui empiètent de plus en plus sur le pouvoir en place, et l’expression de grands penseurs politiques comme Locke, Montesquieu, Rousseau, Voltaire ou Beccaria.