S-4 utopisme et socialisme
Utopie et Socialisme
Définition Utopie : ce qui n’est nul part (venant du grec « u » : privatif, « topos » : lieu). Mot conçu par Thomas More en 1515.
Définition Tendance utopique : tendance par laquelle on remet en question le pouvoir économique, politique, social, familial et on saute dans l’ailleurs pour proposer quelque chose de meilleur.
Exemples d’utopie en littérature:
- Le Phalanstère de Charles Fourier vers 1830 (société close).
- Voyage en Icarie : Etienne Cabet (1840).
- Les Cinq Cents Millions de la Bégum, Jules Verne (1879).
Au XX, tendance utopique : communisme.
Dans la littérature, émergence de contre-utopies, dénonciations de ce que seraient véritablement ces sociétés meilleures :
- Le Meilleur des Mondes, Aldous Huxley (1932).
- Nous Autres, Levgueni Zamiatine (1924).
Le Saint-simonisme n’est pas une utopie mais il y a bien une tendance utopique, une contestation radicale de l’autorité et la volonté de créer une société sur des bases nouvelles. Ces disciples ont même eu l’idée de construire une petite société ‘utopique’.
Le saint-simonisme est essentiel car il est la matrice du socialisme en même temps que des utopies technologiques modernes.
Comment peut-on définir le socialisme : « le socialisme est tout orienté vers le futur, c’est avant tout un plan de reconstruction des sociétés actuelles » (Durkheim).
Le socialisme se présente comme une protestation, « un cri de douleur » et à partir de là un plan de reconstruction et de centralisation est mise en place.
Le Saint-simonisme est une forme de présocialisme.
Saint-Simon est un comte (1760-1825) : il fait l’objet d’un culte après sa mort et son échec sera la preuve future de sa réussite.
Au point de départ, il a participé d’abord à la guerre d’indépendance américaine. Retour en France en 1783 et tente des entreprises diverses: échec. Il se tient à l’écart de la Révolution Française, il se retrouve emprisonné sans motifs réels. Enfermé dans la prison du Luxembourg à la fin de la terreur.
Il a une révélation pendant son emprisonnement qu’il publiera dans un projet d’encyclopédie : il voit Charlemagne qui lui conseille une reconversion dans la politique et la philosophie.
Par conséquence, il lance en 1879 une revue, l’Organisateur.
Le premier texte est celui que nous étudions :
Il est condamné par les assises en raison de ce texte : « la parabole de saint-Simon ».
Définition parabole : mot révélateur de l’image de Saint-Simon. Une parabole est un récit court, symbolique, qui est écrit familièrement et donc on tire un enseignement moral ou religieux. On voit ainsi qu’il est perçu comme un personnage à autorité religieuse.
TEXTE de Saint-Simon
Il fonctionne en plusieurs étapes.
- 1ère étape : description du « monde à l’envers ». Contestation du monde tel qu’il existe.
Il part d’une hypothèse radicale : nous supposons que la France perde ses savants, disparition des gens utiles. Dans ces gens utiles, il y a les savants et les artistes… (Page 62). Ce qui fait la compétence internationale de la France sont les élites artistiques, industrielles, techniques etc.
L’hypothèse inverse : on admet que la France conserve tous ces hommes de génie mais quel ait le malheur de perdre le roi, toute la cour etc. : cela n’aurait aucune conséquence pour la population française..
Dans la liste des gens dont on peut se passer : il y avait le duc de Berry, mort le jour suivant. C’est pour cette raison qu’il est enfermé car on le soupçonne sans preuve d’avoir voulu tuer une des personnes se trouvant sur la liste des personnes inutiles (il est cependant innocent).
Il oppose les gens utiles (abeilles) « l’utilité positive » aux gens inutiles (les frelons). Les ministres sont aussi considérés comme étant inutiles.
Les places de l’état sont ici toutes remises en cause, inutiles car elles exploitent la richesse sans qu’il y ait véritablement de production. La richesse des privilégiés, qui ne produisent pas de biens nouveaux, est critiquée. C’est une pensée à caractère radicalement contestataire et utopique : toutes les autorités existantes sont renvoyées à la passivité et l’inutilité.
Conclusion : ces suppositions font voir que la société en vigueur à l’époque est véritablement le monde renversé. Le monde de l’ancien Régime est tout entier un monde qui met en haut de la société les inutiles, monde oisif des « dignités » et qui met en bas de la société les industriels, commerçants, savants etc.
- 2ème étape : proposition de société nouvelle avec une nouvelle l’organisation de la société.
Principe : la prospérité de la France ne peut avoir lieu que par l’épée et en résultat des progrès des sciences, des beaux arts et des arts et métiers. La société nouvelle va connaitre sa prospérité grâce à l’innovation et l’investissement. Progrès des techniques. Il s’agit de sortir de la considération sociale donnée à des gens purement pour des raisons sociales et de refonder la société sur la production et l’innovation. C’est cette façon de refonder la société qui va aboutir à la fin de la Révolution.
Vocation particulière du XIX : vocation à reconstruire sur les vestiges du passé. On voit cette période comme une période de construction, période organique.
Principe : (en commun avec B.Constant) ce qui est moderne et doit être organisé est la société industrielle et commerciale. Fonder une société sur le tissu économique et social. Fonder une société où la science remplace la religion.
Double constitution : pour terminer la révolution, besoin de deux choses :
- un pouvoir temporel basé sur le commerce et l’industrie. On parle de la « capacité industrielle ». Ce qui fonde désormais la hiérarchie est la production industrielle, l’utilité sociale. Terminer la Révolution Française, c’est mettre les industriels au premier rang (hommes d’affaires, artisans etc.). Ce n’est pas une pensée de l’égalité. La conséquence est que la société va connaitre la paix car le but de chaque individu est d’entreprendre pour s’enrichir. Idée issue de Rousseau : ce qui compte est d’agir sur les choses et non pas de dominer les hommes. La valeur centrale est le travail qui permet de s’enrichir. Il n’y a pas d’abus d’autorité dès lors que chacun cherche à s’enrichir. Saint-Simon fait l’éloge des capacités industrielles : il n’ya pas abolition de la propriété mais critique de la rente et de l’oisiveté. Il a l’idée qu’il y a communauté d’intérêts entre les ouvriers et les patrons. Forme d’optimisme qui prône une harmonie sociale.
- Un pouvoir spirituel : il faut selon lui remplacer les religieux par les savants. On s’intéresse à la « capacité scientifique positive ». pensée très systématique. Il part d’abord (page 69) du « désenchantement du monde » : c’est le fait que la domination religieuse sur les esprits après la Révolution Française va s’affaiblir. On sort de l’univers magique et religieux, de l’âge théologique. C’est une période de désacralisation. Cependant il est nécessaire de fonder un nouveau pouvoir spirituel car pour saint-Simon on a besoin de remplacer les prêtres par de nouvelles formes de prêtres sans les idées théologiques, qui sont les savants et les artistes. La culture remplace la religion. Les artistes servent à susciter en nous le sens du futur, à nous montrer que l’âge d’or est devant nous, de nous faire imaginer le beau, de passionner la société. Ce que craint Saint-Simon est que dans l’époque contemporaine nous n’ayons plus d’enthousiasme. Il faut donc pour passionner la société avoir des philosophes, artistes… une vraie politique culturelle fait partie du programme de Saint-Simon.
Ce qui est absent ici sont les politiques. La société est passionnée par les artistes et mue par les industries, les politiques ne servent à rien. Dimension utopique. Le gouvernement nécessaire est un gouvernement bon marché.
Le Saint-simonisme est déterminant et cette doctrine a une postérité exceptionnelle : doctrine contestatrice du privilège, recherche du bien social global. Phénomène très composite.
C’est une doctrine qui tombe dans l’extravagance.
Saint-Simon suscite une forme de culte en particulier chez les jeunes intellectuels. L’apogée de ce mouvement est vers 1830-1 : il y a à peu près 600 saint-simoniens actifs, en majorité des savants. Cette doctrine est un esprit adaptée à l’esprit de savants. Ils se désignent eux-mêmes par le terme « église » des 1825.
Ils tiennent des journaux : Le Producteur, l’Organisateur. Ils créent en 1832 une communauté à Ménilmontant (habits : chemise avec des boutons derrière pour apprendre la solidarité etc. toutes les fonctions sont égales, ils ont le même habit). Cette expérience se termine mal : ils se retrouvent devant les tribunaux en 1832.
Dans un premier temps le saint-simonisme n’est pas une entreprise réussie.
Une fois dispersés, ils vont se reconvertir dans les grands travaux : l’expédition en Egypte, l’idée du canal d’Egypte (Canal de Suez). Les saint-simoniens sont à l’origine du grand traité de libre échange de la France en 1860, négocié et signé par Michel Chevalier. Politique bancaire, politique de libre échange.
A long terme, influence énorme chez les socialistes et les communistes. L’idée de la technique rationalisatrice est l’idéal de la construction de la société communiste russe. Postérité sur le socialisme français chez Jules Moch, fasciné par la fonction rationalisatrice.
Postérité dans les milieux technocrates en France dans les groupes de polytechniciens : idée de la technocratie rationalisatrice qui dévalorise le politique.
C’est une forme de culture politique sensible au rôle de la technocratie, du commerce etc.
Citations clichés, images : opposition des abeilles et des frelons.
« Ce qui reste du saint-simonisme est un périmètre d’idées vagues » (Charles Rochasson).
Un pays où la religion positiviste s’est implantée : Brésil.