Azoulai 3
Séance n°3
Qu’est ce que l’Union Européenne ?
Tâche quasiment impossible de la définir ; construction complexe. Ses règles de fonctionnement défient parfois l’entendement. Elle n’est pas le fruit du hasard et a deux raisons : produit de conjonctures historiques qui ont présidé à la naissance & l’évolution de l’UE, raisons politiques ont créé des politiques nouvelles, des régimes nouveaux, des dérogat°/statuts particuliers de certains états européens. La complexité est une nécessité de l’UE, c’est lié à sa nature. Elle est par nature inclassable, et contradictoire.
M. Dauchet parle d’une « union politique ou il reste des états-nations ». Il reste des états souverains en Europe. C’est une fédération, oui, mais à condition de dire que ‘est une « fédération d’états-nations » (J.Delors).
L’Union Européenne a 16 ans, née de l’entrée en vigueur en 1993 du traité de Maastricht. C’est une créature engendrée par 12 états, qui étaient membres des communautés européennes.
Elle a 3 sœurs : Les 3 communautés européennes : CECA, Euratom, Cee à devient Communauté Euro, CE.
La CECA a disparu en 2002, car son traité fondateur prévoyait une durée de vie de 50 ans. Ses compétences ont été transmises à la Communauté Européennes.
L’UE est une entité d’une taille conséquente, 4 millions de km², ms elle pèse bcp plus que les US ou la Russie en termes d’habitants (495 millions d’hab).
Elle est en crise depuis sa naissance ; on peut la comparer à un être en difficulté avec le monde. Elle est en mal de reconnaissance. Le moment de la négociation/du débat du traité constitutionnel européen (2004) = demande de reconnaissance, l’UE voulait être reconnue dans ses capacités.
Echec, pas d’effet de ralliement, d’adhésion au projet porté depuis longtemps par l’UE.
Elle n’est dc pas un objet d’adhésion populaire.
Construction tardive dans l’histoire de la construction européenne, mais la nécessité de créer une Union politique en Europe a été pressentie dès l’origine de la construction communautaire (à Déclaration Schuman : Unité éco première étape d’une FEDERATION européenne, d’une union politique).
Plusieurs tentatives : 1953 : CED et communauté poliutique euro, 1972, 1984 : relance de l’idée, 1990 : relance des négociations sur l’union pol.
1990 à Libération de l’Alld, réunifiée en 1992. Poids éco, démo et pol fait renaître en Europe des craintes d’hégémonie sur l’UE. Craintes séculaires reviennent et créent les conditions d‘un approfondissement décisif de l’UE. L’Allemagne est prête à rejoindre une Union Politique, et un accord est trouvé entre F. Mitterrand et H.Kohl. Les 10 autres états des communautés euro s’y rallient.
La France a demandé ces jours ci une plus grande unification des politiques économiques européennes, sommet le 12.03. Volonté française de renouer la coopération franco-alld.
UE = « nouvelle étape » dans le processus créant une union sans cesse plus étroite dans les peuples d’Europe à Article 1er sur l’UE.
Ainsi naît l’union. Mais ce n’est pas une fédération telle qu’elle avait été rêvée par les fédéralistes euro. L’Union européenne n’est rien d’autre qu’une organisation internationale, une créature d’états souverains qui l’ont créée et sont libres de la faire disparaître. Elle ne dispose pas pour elle-même des caractéristiques de l’Etat souverain (pas de territoire, pas de peuple, pas de force européenne).
Ses capacités sont extrêmement étendues. Sa création ne fait pas disparaître les Communautés Euro, qui subsistent et s’intègrent dans une nouvelle structure commune, formée par l’UE et les Communauté euro. Les communautés euro = noyau dur, cœur vivant de l’UE.
L’Union continue le système communautaire.
Elle garde les deux réalisations du plan Schuman :
L’établissement d’un système de pouvoir supranational
Le transfert de droits souverains
Terme déjà retrouvé à la Haye et dans la déclaration Schuman. Les communautés et l’UE = organisations internationales créées par traité. Leur pouvoir procède donc d’un transfert de compétences. L’UE n’a dc pas de constitution, d’acte d’auto-fondation, elle repose sur une série de consentements concordants des états, qui sont les « maîtres des traités » comme dit la cour constitutionnelle allemande).
Transfert de compétences a des caractères très particuliers qui font l’originalité de l’UE. Organisation internationale type (ONU) : transfert de compétences limité à des organes communs qui n’ont pas de pouvoir contraignant sur les états. Transfert de compétence repose alors sur des réserves : les états restent maîtres de l’interprétation des textes, et n’acceptent de se soumettre que si les autres états membres s’y engagent aussi (réciprocité).
Au contraire, droit communautaire, transfert unilatéral et inconditionnel, pas de réciprocité : le fait qu’un état ne respecte pas une règle n’est pas une cause justificative pour ne pas les respecter.
Transfert des compétences emporte aussi un transfert du pouvoir d’interprétation : Ce ne sont plus les Etats qui élaborent et interprètent les règles à création de la Cour de Justice des Communautés Euro (organe indépendant qui interprète les décisions euro et qui détermine la portée des obligations des états au sein de la communauté).
Ce transfert de compétences se fait au profit d’organes communs qui exercent des pouvoirs contraignants, de manière autonome, et qui adoptent des actes, des directives communautaires… Ces actes s’imposent aux états, et s’appliquent directement aux ressortissants de ces états (marque de fédéralisme). Ressortissants nationaux = sujets du droit euro.
Transfert de souveraineté = notion impropre : il n’y a pas de transfert de souveraineté à proprement parler, les états y consentent par traité et n’y sont pas forcés.
Mais une fois consenti, ce transfert aboutit à octroyer à l’UE des capacités d’action très profondes.
Ce qui distingue l’UE des autres org internationales : elle a une capacité de NATURE ETATIQUE. Elle n’est pas un l’Etat souverain, elle n’a pas la QUALITE d’Etat.
CJCE a tiré argument de l’existence de transfert de droit souverain pour fonder l’autorité du droit communautaire = Arrêt Costa vs. Enel, la cour rappelle qu’il y a transfert de droit souverain. Cela rappelle que le droit communautaire s’impose aux ind par delà l’Etat, sans passer par la médiation dee Etats.
La création d’institutions communes
Pour que cette méthode d’intégration soit complète, il ne suffit pas d’un engagement au moment de la signature des traités, il faut PERENNISER cet engagement, le garantir, l’institutionnaliser.
2 classes d’institutions communes dans l’UE :
Organes de représentation : Ce n’est pas une représentation ds le sens de la théorie constitutionnelle ; on ne représente pas l’unité d’un peuple ou d’une nation. On veut dire par là que les volontés divergentes des européens sont conciliées dans le cadre commun. UE = « machine à fabriquer des intérêts communs ». Cela passe par deux organes :
* Conseil européen : 27 ministres des pays membres. Règle = au conseil, on vote à la majorité qualifiée, pas à l’unanimité. Domaines sensibles, vote unanimité (pol étrangère, harmonisation en matière pénale, fiscalité…).
* Parlement européen : représentation des peuples des états membres de l’UE. Véritable organe de décision, pas simplement une enceinte de discussion.
Organes indépendants (des Etats) : chargés de faire respecter l’intérêt général communautaire, de veiller à l’intérêt commun.
* CJCE : (cour justice communautés euro) = organe juridictionnel. Assure l’interprétation uniforme du droit communautaire, a pour mission de faire respecter par les institutions et par les états membres les règles communautaires. Interprétation + Contrôle. Elle peut être saisie directement pas les particuliers et les juridictions nationales. En contact direct avec les juges nationaux qui appliquent le droit communautaire, et avec les individus.
* Commission des communautés européennes : Organe de gouvernement (ex Haute Autorité de la CECA). Rôle d’initiative des textes communautaires et de gardienne des traités européens.
Prolifération d’organes indépendants dans l’Etat a gagné tout les états, inspiré des US. Modèle de légitimité particulier, gère certains secteurs d’activités particuliers. Réflexion récente de P. Rosenvallon dont le dernier livre revient sur le dvpt de ces organes indépendants (La Légitimité Démocratique, 2008), il parle de légitimité d’IMPARTIALITE qui repose sur ces organes indépendants, dont la Commission ou la BCE sont des exemples.
Tous ces éléments combinés sont à la base de la METHODE COMMUNAUTAIRE :
- Délégation du pouvoir souverain à des organes communs
- Décisions adoptées à la majorité au Conseil & Parlement
- Pouvoir d’initiative de la Commission
- Compétence d’interprétation et de contrôle de la CJCE
- Dvpt d’un droit uniforme et contraignant
Un ordre économique transnational
L’établissement d’un marché commun
Déclaration Schuman parle de « Mise en commun des ressources éco ».
Cela a voulu dire tout d’abord l’établissement d’un marché commun : Mise en commun = d’abord historiquement création d’un espace commun de libre circulation des marchandises, des prod, et des facteurs de prod (entreprises, travailleurs, capitaux). Etablissement d’un marché commun.On veut libéraliser les forces de prod et non intervenir.
La conduite de politiques communes
Conduite de politiques communes : plus difficile que le marché commun, car politiquement il est plus difficile d’agir positivement en commun que d’interdire des barrières au commerce.
Première pol. commune : PAC, en cours de réforme depuis plus de 10 ans. Se sont ajoutées de nouvelles pol. communautaires (une quinzaine d’activités : environnement, santé, social, transport, monétaire, commerce…) sont venues par la suite.
L’Union maintient ces acquis mais en même temps, quand elle naît, transforme le modèle communautaire.
L’union transforme le modèle communautaire
- La complication de la structure
Article 1er du traité sur l’Union.
« Elle est fondée sur les communautés euro, complétée par les politiques et formes de coopérations instaurées par le présent traité ».
C’est donc une organisation formée d’autres organisations (les communautés européennes), auxquelles s’ajoutent de nvelles pol de coopération : PESC (pol étrangère de sécurité commune) + Coop en matière pénale. Il y a donc 3 piliers.
Trois piliers
3 piliers distincts (à schéma poly):
- Pilier communautaires : les 2 communautés : EURATOM, Communauté européenne (plus de CECA
- PESC
- Coopération en matière pénale (lutte contre criminalité organisée, trafic, terrorisme).
Objectifs et institutions communes, fondations communes (mêmes états participent à toutes les structures), mêmes critères d’adhésion.
Deux ensembles distincts
Mais du point de vue juridique : 2 ensembles distincts.
- 1ère composante = 1er pilier : Composante communautaire : CE + Euratom à la méthode communautaire prévôt, Méthode d’INTEGRATION.
- 2e composante = 2 autres piliers, que l’on a voulu SOUSTRAIRE à la méthode communautaire, méthode de COOPERATION INTERGOUVERNEMENTALE.
=> Décisions adoptées par le Conseil à l’unanimité, plus respectueux des souverainetés nationales. Pas le mm caractère contraignant que les décisions communautaires. Organes de contrôle (CJCE & Commission euro) ont un accès limité à la PESC & Coop pol & judiciaire.
Méthode de coop intergouvernementale = prix qu’il a fallu payer pour élargir les compétences de l’UE à des domaines politiquement sensibles, donc méthode plus respectueuse des sensibilités des états.
Autre prix à payer : la différenciation : Certains pays ont des statuts dérogatoires. Le Danemark ne participe pas à la pol de défense, le R-U à la pol d’immigration… On approfondit mais on différencie aussi au sein de l’UE.
- L’approfondissement des fondements.
L’union Européenne permet aux fondements euro de se révéler et de s’approfondir. L’Union a fait évoluer le modèle de développement et de légitimation de la construction communautaire. Les Communautés euro reposaient sur les bénéfices éco et sociaux de l’établissement d’un marché commun. L’UE, elle, permet :
Le dépassement de l’intégration économique
Par l’effet de l’entrée en vigueur de Maastricht, la CEE devient CE (communauté euro). Ce n’est plus un cadre d’intégration éco, ça devient un cadre d’intégration éco ET social.
Ce n’est pas un Etat Providence, loin de là, Europe sociale très limitée. Le budget ne permet pas une redistribution sur le plan euro.
On arrive à un état « régulateur ». Elle se charge, non plus simplement d’établir un marché commun, mais d’assurer des protections : environnement, santé, consommateurs, travailleurs. Elle ne redistribue pas mais corrige les dysfonctionnements induits par le marché commun.
L’UE qui s’ajoute à la Communauté euro crée de nouvelles politiques qui touchent au territoire, à la sécurité des populations (politiques communes de la défense), pol commune de la ville, de l’immigration (fameuse et controversée « directive retour » qui harmonise les procédures d’expulsion)…
L’UE n’est plus simplement un marché commun : le traité sur l’Union (art 2) appelle l’UE « un espace de liberté, de sécurité et de justice ». C’est aussi un espace non marchand qui offre des biens publics.
L’évolution des bases de légitimation
Pendant longtemps, l’Europe communautaire è Légitimée par ses résultats, ses bienfaits éco et sociaux, garantissait des droits et libertés économiques aux entreprises par ex.
« L’Europe se faisait en se passant des européens », par les résultats qu’elle apportait.
Cela ne pouvait marcher tant que l’intégration n’était qu’économique ; quand l’intégration se « socialise », se politise, touche ts les domaines de la vie éco et sociale, mode de fonctionnement communautaire élitiste et exclusif fondé sur les résultats ne pouvait pas perdurer. Il fallait s’efforcer de démocratiser le système. A partir des années 90, renforcement considérable des pouvoirs du Parlement Euro (pouvoir de décision & de contrôle).
Cela passe aussi par les valeurs communes européennes : art 6 du. « L’Union est fondée sur des valeurs : principe de démo, de respect des droits fondamentaux, et de l’Etat de droit ».
Enfin, l’UE essaye de se donner une assise populaire : création de la citoyenneté euro.
L’UE fait évoluer les bases de légitimation des communautés européennes : évolution constitutionnelle de ce qui demeurait une construction fonctionnelle.
Tout cela approfondit les fondements de l’UE mais révèle aussi ses contradictions profondes.
UE reste une démocratie limitée. Union des citoyens mais d’abord des états. Il y a approfondissement, enracinement mais en même temps exposition de l’UE et de la fragilité même de ses propres fondements.