[Histoire] Fiche technique : l'Encyclopédie

Publié le par 1A 08/09 notes

L’Encyclopédie

 

 

 

Si le XVIIIe siècle se définit comme celui des Lumières, de la découverte scientifique et technique et de l’émancipation d’un esprit philosophique critique dans les sociétés européennes, l’œuvre titanesque qu’est l’Encyclopédie (ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers) de Denis Diderot (1713-1784) et Jean Le Rond d’Alembert (1717-1783) en est sans doute la concrétisation la plus marquante.

En effet, les hommes des Lumières, sont incités par leur soif de savoir à vouloir organiser et classer leurs découvertes, leurs hypothèses, leurs observations.

Quoi de plus ingénieux, alors, que de les rassembler dans un ouvrage unique, à la portée de tous ?

 

 

 

Les origines et l’élaboration du projet

 

A l’initiative du projet se trouve le libraire français Le Breton, qui entreprend en 1745 de traduire la Cyclopaedia de l’anglais Chambers. Rapidement, la tâche est confiée à l’abbé Gua de Malves. Cependant, celui-ci abandonne après un an de travail.

Ainsi, le 16 octobre 1747, Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert sont tous deux nommés codirecteurs du Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers.

En 1750, Diderot fait en sorte populariser le projet afin d’attirer les collaborations de nombreux auteurs (cent soixante au total, dont Voltaire, Rousseau, Buffon, d’Holbach, Marmontel, Montesquieu).

À partir de 1751, un tome de l’Encyclopédie sera publié tous les ans. Toutefois, dès la parution du second tome en 1752, le Conseil du roi décide l’interdiction de l’Encyclopédie.

En effet, celui-ci la voit d’un mauvais œil, puisqu’elle a vocation à éduquer les masses et que son succès va grandissant : d’un millier de lecteurs pour le premier tome, on arrive à plusieurs milliers en 1757.

De 1752 à 1757 et malgré l’interdiction, l’Encyclopédie continue d’être publiée au rythme d’un tome par année.

Lors de la parution du tome VII (1757), de nombreux polémiques émergent sur le contenu de l’Encyclopédie, amenant Voltaire et d’Alembert à se séparer du projet. Diderot reste seul.

Le Conseil d’Etat du roi bannit l’Encyclopédie et ordonne le remboursement des lecteurs. Ainsi, de 1757 à 1766, les tomes VIII à XVII sont achevés et livrés clandestinement, partiellement censurés par Le Breton, effrayé par cette distribution illégale.

On estime qu’en 1782, le nombre total de volumes de l’Encyclopédie vendus est de 25 000.

 

 

Le contenu de l’Encyclopédie

 

Le titre officiel de Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers indique à quel point le contenu de l’œuvre est voulu large par ses directeurs.

Le but principal de d’Alembert et Diderot est bien de rassembler dans un même ouvrage tous les savoirs et méthodes connus de l’homme du XVIIIe siècle, dans des domaines aussi variés que les mathématiques, la philosophie, la métaphysique, la théologie, le goût, la santé, la nature, la chimie, l’économie, la politique.

Dans chacune de ces disciplines, les plus grands spécialistes acceptent d’apporter leur contribution à l’ouvrage de Diderot et d’Alembert.

Certains articles sont tellement complets qu’ils deviendront plus tard des livres à part entière : Etymologie, du président de Brosses, deviendra après une décennie le Traité de la formation mécanique des langues et des principes physiques de l'étymologie.

Le format de l’ouvrage est adapté à son aspect didactique : pour la première fois, le traditionnel classement thématique se substitue à un classement alphabétique.

L’Encyclopédie n’est pas faite pour être lue, mais consultée, tel un dictionnaire, quand bien même Diderot assure que certains l’ont lu du début à la fin.

 

 

Critiques et interprétations

 

Dès ses débuts, l’Encyclopédie est vivement critiquée, en tant qu’elle constitue la réfutation de toute superstition, voire pour certains de toute religion.

En effet, en éduquant le plus grand nombre à la science, elle explique par exemple de nombreux phénomènes populairement attribués au divin. En se voulant progressiste, car inscrite dans le mouvement des Lumières, l’Encyclopédie inquiète ainsi l’Eglise.

En 1752, lors de la première interdiction, les encyclopédistes sont ainsi dénoncés comme une “secte dangereuse” ; l’on voit ici la volonté de présenter l’Encyclopédie comme une tentative d’usurpation de la parole divine contenue dans la Bible.

Elle se veut la recherche de la perfection dans la quête du savoir et de l’apprentissage, tout en se présentant comme un ouvrage universel.

Là où la Bible constitue l’éducation des masses depuis des siècles, l’Encyclopédie remet en cause cette prééminence et se présente comme le nouveau livre de référence dans la compréhension du monde, en expliquant les causes des phénomènes plutôt qu’en imposant une vérité.

Pour ces raisons, Le Breton continue pendant des années à censurer certaines parties de l’Encyclopédie, lors de la parution de chaque tome, notamment les articles ayant trait au domaine du religieux.

Sur un plan plus philosophique, certains reprochent le projet même de l’Encyclopédie : selon eux, l’idée de vouloir inventorier de façon bornée toute la connaissance humaine est contraire au progressisme des Lumières.

En effet, l’Encyclopédie semble en quelque sorte accumuler le savoir, telle une marchandise, une valeur d’échange.

Diderot répond à ces critiques en définissant l’ouvrage comme le “capital de l’humanité”, que les générations futures se devront de faire fructifier.

 

 

Le destin de l'Encyclopédie

 

Au-delà du symbole qu’elle représente dans le siècle des Lumières, l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert marque le début d’une nouvelle ère ; celle de l’accumulation des savoirs.

Dès 1782, le libraire français Charles-Joseph Panckoucke envisage la publication de l'Encyclopédie méthodique, recensant plus de 200 volumes. Elle est achevée en 1832.

Diderot lui-même présente l’Encyclopédie comme un ouvrage nécessitant une réécriture constante, “comparable à un organisme - l'être qui ne meurt point - vivant en renouvelant ses cellules”.

Comme il le disait dans le discours préliminaire de l’Encyclopédie : « la perfection d'une encyclopédie est l'ouvrage des siècles. Il a fallu des siècles pour commencer ; il en faudra pour finir ; mais à la postérité et à l'être qui ne meurt point... »

Le nombre incommensurable d’entreprises similaires depuis deux siècles et demi montre à quel point ce projet de rassemblement de connaissances est sans fin : les savoirs d'aujourd'hui seront  vieux demain.

 

 

 

Bibliographie

 

Belaval, Yvon. Encyclopédie de Diderot dans Encyclopédie Universalis 2008.

Darnton, Robert (1992). L’aventure de l’Encyclopédie. Paris : Seuil, 631 p.

Goulemot, Jean-Marie. Encyclopédie de Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert dans Encyclopédie Universalis 2008.

Hazard, Paul (1995). La pensée européenne au XVIIIe siècle. Paris : Hachette, 469 p.

Proust, Jacques (1962). Diderot et l’Encyclopédie. Paris : Colin, 623 p.

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