D11 - La Suisse, démocratie de consensus

Publié le par 1A 08/09 notes

La Suisse est une dé mocratie de consensus car elle est à la fois référendaire et de concordance.

Evelyne Winder-Schlumpf est avec Christophe Blocher une des personnes qui peut mettre en danger la démocratie de concordance (voir plus loin).

La démocratie est le contraire d'une démocratie majoritaire, un modèle à soi seul de démocratie consensuelle. Vont ensemble pour permettre cette démocratie le proportionnalisme (représentation proportionnelle au Parlement et au gouvernement), la concordance (association des grandes forces politiques au pouvoir), la collégialité directoriale (régime directorial à effectif collégial) dans un cadre fédéral et sous contrôle populaire.Ce contrôle est important car il est partie prenante de la démocratie de consensus mais aussi car aucun pays au monde ne pousse aussi loin que la Suisse la pratique référendaire et en temps d'interrogation sur la démocratie d'opinion, l'expérience suisse mérite d'être étudiée.


I Une démocratie référendaire

Le référendum se rattache au débat entre démocratie représentative et démocratie directe, entre Montesquieu et Rousseau, entre représentatif et participatif, en réfléchissant aux moyens de combiner les deux. De nombreux pays n'utilisent pas (Allemagne, Belgique) ou peu (Royaume-Uni, Norvège) le référendum; certains pays l'emploient plus comme la France ou il est habituel comme en Irlande ou au Danemark. A quoi il faut ajouter le référendum perpétuel tel qu'il a lieu en Suisse (les ¾ des référendums en Europe ont lieu en Suisse). Le référendum est un mode de gouvernement en Suisse. Le sens du référendum est plus large en France; en Suisse on parle plutôt de votation populaire. Quelles sont les différentes votations populaires?

Les référendums obligatoires sont de trois types: pour toute révision de la Constitution (totale ou partielle), les arrêtés urgents qui dérogent à la Constitution (11 fois), les traités portant sur une adhésion à une organisation de sécurité collective ou à une communauté supranationale (l'adhésion à l'ONU a été refusée en 1986, mais acceptée en 2002).

Les référendums facultatifs: contre une loi fédérale, contre un arrêté fédérale ou sur l'approbation d'un traité modifiant le droit de manière unilatérale.

Qui soumet le projet de référendum? Le Parlement, huit cantons ou 50000 citoyens dans les trois mois suivant l'adoption de la loi. Un nombre significatif de citoyens peut donc déclencher un référendum contre une loi qui ne leur plaît pas.

Les initiatives populaires: pour une loi constitutionnelle sur demande de 100000 citoyens en 18 mois et son contre-projet éventuellement soumis à votation en même temps. Le point important à retenir est qu'il n'y a pas de limitation à ce qui est constitutionnel. Exemple: l'adoption d'un RMI pour les plus de 20 ans, la suppression de la circulation dans les villes...tout peut être soumis à iniative populaire. Le champ de l'initiative populaire est immense et les possibilités nombreuses.

Quelles en sont les conséquences? Le référendum est-il conservateur ou progressiste, démagogue voire xénophobe? Il y a une grande diversité des résultats qu rend toute vision générale.

Quelques exemples de votations populaires: le droit de vote accordé aux femmes en 1971(!), le refus de sept initiatives xénophobes entre 1970 et 2002, mais en 2004 les Suisses ont voté le refus d'ouverture à la naturalisation en 2004 et des mesures d'immigration restreintes en 2006. C'est par référendum qu'a été acceptée l'IVG en 2002 (comme au Portugal..., alors que d'autres pays l'ont fait par voie parlementaire ou constituionnelle), la prison à vie pour les crimes sexuels en 2004.

Quelques référendums en matière fiscale: l'adoption de la vignette automobile en 1984 et le péage sur les autoroutes en 1994; cependant en 2001, ils refusent un nouel impôt sur le capital.

Sur les questions environnementales, le bilan est contrasté. En 1994, on impose le ferroutage des camions en transit en Suisse, alors qu'on supprime la compétence cantonale pour refuser l'extension d'un aéroport, on rejette la taxation des industries polluantes (pétrole, charbon...), le dimanche par mois sans voiture, le moratoire contre les centrales nucléaires. Ces initiatives ont été proposées par un petit parti, les Verts, alors que les partis majoritaires y étaient opposés. On s'efforce de créer un consensus autour d'une question pour éviter d'en référer au peuple; les initiatives bénéficiant d'un soutien large sont adoptées.

Le système suisse est légitime car il est exceptionnellement participatif et de ce fait il condamne à la fabrication d'un consensus. De plus, l'existence de ces multiples votation populaires proposent de multiples effets de « renouvellement d'agenda »; de nouvelles questions surgissent dans l'espace politique, tandis qu'une démocratie représentative telle que la France n'aborde pas forcément une question de société dans l'espace politique. En Suisse les sujets viennent plus rapidement sur le terrain de la politique et leur examen permet de prendre conscience des problèmes.



II Une démocratie de concordance

La Suisse est une démocratie de concordance car c'est une société plurale sur les plans linguistique, religieux et politique.

Langues: 22% de francophones (à l'Ouest), 70% de germanophones (à l'Est), 7% d'italophones (le Tessin), 0,5% de Romanches (dans les Grisons)

Religions: 44% de catholiques, 37% de protestants, puis 5% de musulmans, orthodoxes 2%, sans religion 12%.

Partis politiques: les socialistes du PSS (clivage travailleurs/possédants), les radicaux du PRD (Centre/périphérie), les démocrates-chrétiens du PDC (Eglise/Etat) et la droite de l'UDC, le parti agrarien (rural/urbain).

D'une pluralité religieuse et linguistique, on inventé un régime politique original ni présidentiel ni parlementaire, mais directorial.

Le gouvernement est restreint à sept membres du Conseil fédéral, le directoire. Si ce conseil est irrévocable, il élu par le Parlement et lui est soumis .

200 élus au Conseil national élu à la proportionelle et Conseil d'Etat de 46 membres représentant les cantons.

Le régime directorial peut être assimilé à une forme de parlementarisme, où l'Assemblée dirige le pouvoir.

A ces données politiques s'ajoutent des données politiques et ce que les Suisse appellent la formule magique, c'est-à-dire l'association des différentes forces politiques au pouvoir: le Conseil fédéral respecte la pluralité religieuse (4 catholiques et 3 protestants), linguistique et politique (2 socialistes, 2 radicaux, un démocrate-chrétien et 2 agrariens).

Cependant l'évolution des agrariens vers l'extrême droite avec à sa tête Blocher, un milliardaire, a modifié la donne. L'UDC de Blocher a alors connu une période de prospérité propre aux régions alpines, alors que le sentiment xénophobe se renforçait dans les campagnes. L'évolution électorale atteste de cette poussée: l'UDC est passé de 22 à 29% des suffrages en 2007, tandis que les trois autres partis sont entre 15 et 19% (16-22 en 1999). En 2003, avec 27%, Blocher réclame sa place au Conseil fédéral qu'il obtient, en espérant que le pouvoir modérera ses positions. Blocher joue un double jeu en soutenant certaines décisions tout en s'opposant à celles de ses collègues en sous main. Le 13 décembre 2007, au lieu d'élire Blocher, le Parlement désigne Evelyne Widmer-Schlumpf, obscur membre de l'aile modérée de l'UDC, comme conseiller fédéral.

La formule magique dure toujours, mais la majorité de l'UDC passe dans l'opposition et annonce qu'elle emploiera les votations populaires contre le Conseil fédéral. La Suisse entre dans une période de turbulences, dont Mme Widmer-Schlumpf symbolise la fragilité.





Cela pose la question qu'ont eu à traiter la France, l'Italie, l'Autriche, les Pays-Bas: comment traiter les nouvelles poussées populistes xénophobes? Faut-il absorber les personnalités fortes du mouvement ou bien les exclure du débat politique? Cette question importante attend une réponse, il faudra voir coment la Suisse traitera ce problème.

Publié dans Semestre 1

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C
un passage sur les post de l'actu o.b
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