D12 - Le Brésil, démocratie présidentielle et "congrétionnelle"

Publié le par 1A 08/09 notes

« Congrational governement » publié en 1884, un livre de Woodrow Wilson, alors professeur de droit à Princeton. La thèse de Wilson est que l'évolution institutionnelle aux USA ne respecte plus les checks and balances et que le pouvoirs s'est déplacé au profit du Congrès et de ses comités permanents. Il ajoute que le Congrès dispose de tous les pouvoirs, mais que c'est un infirme car il n'a pas de cabinet pour exécuter docilement ses décisions. C'est la thèse d'une inflexion du régime présidentiel au profit de Congrès, source de déséquilibre et de faiblesse. L'histoire des USA peut être vue comme une alternance entre congrétionnalisme et présidentialime.

Si cette terminologie n'est plus pertinente aux USA, elle l'est au Brésil qui connaît un régime présidentiel congrétionnel. Se juxtaposent la bipolarisation présidentielle et le multipartisme congrétionnel.

Le président, issue d'une présidentielle marquée par la bipolarisation en 2006, a manqué de justesse l'élection au 1er tour, tandis que son rival Alcrin a obtenu 42% de voix, alors qu'un second tour Lula a été élu avec 61% des voix. On pourrait penser que le Brésil est dominée par une bipolarité PSDV/PP

Mais en même temps s'est déroulé le renouvellement de la Chambre et du tiers du Sénat.

Les députés de la chambre sont 513, élus à la proportionnelle. Au Sénat, 81 sénateurs élus au scrutin majoritaire à un tour.

Résultats: un fort multipartisme: 21 partis à la Chambre, 12 au Sénat. Dans cette prolifération partisane, le parti du président est très minoritaire (seulement 17% des sièges).

La forte légitimité du président et la faiblesse de son parti caractérisent bien le Brésil d'aujourd'hui.

Comment en est-on arrivé à une démocratie aussi originale?


Le plus grand pays de l'Amérique du Sud, qui couvre la moitié du continent et a des frontières avec 10 pays, est peuplé de 180 millions d'habitants divisés entre blancs et noirs.

Le pays s'est retrouvé portugais par hasard, lors du traité de Tordesillas en 1494, bien que le pays ait été découvert par un Espagnol. Le nom du pays vient d'un arbre que Vespucci avait ramené de son voyage.

Le pays est devenu indépendant après l'exil des Bragance au Brésil. Après la chute de Napoléon, don Pedro nommé régent se proclame empereur du Brésil en 1822 et convoque une constituante.

L'histoire s'appuie ensuite sur l'esclavage des Indiens et des Africains; près du tiers des Noirs arrivent au Brésil. Les révoltes sont nombreuses, les esclaves forment des communautés autonomes. Ils sont installés dans les plantations mais aussi en ville. L'esclavage est aboli en 1888 par dona Isabelle. L'immigration italienne blanche s'installe alors Sao Paulo, des Allemands et des Japonais immigrent aussi.

Le Brésil vit au 20ème siècle la dictature et le caudillisme ce qui rend le passage vers la démocratie difficile.




Militarisme et caudillisme


Les oligarchies et le pouvoir militaire ont été récurrents au Brésil.

Pedro II est renversé en 1899 par une junte qui met en place un pouvoir élu, c'est l'armée qui est à l'origine de nombreux coups d'Etat, appuyés par le fédéralisme et les gouverneurs de région (il y a partage du pouvoir entre le sommet et les Etat). Le choix du président se fait en accord avec les gouverneurs (Sao Paulo et Mineiras). Les élections sont factivs car contrôlées par le Congrès et une commission de validation qui peut rejeter une élection. Des « colonels » dans les municipalités contrôlent le pouvoir local et n'hésitent pas à recourir à la force. En janvier 1912, à Bahia, l'armée bombarde la ville pour changer le gouverneur.

De 1930 à 1954, c'est une période de dictature et progrès: c'est l'ère Vargas. Des grèves dans les années 20, puis la révolte contre la république corrompue, est conduite par Betulio Vargas. Ils remontent jusqu'à Rio et déposent le président. Aux élections qui suivent, c'est le rival de Vargas qui est élu, mais Vargas fait un coup d'Etat. Sous Vargas des décisions sont prises comme le droit de vote aux femmes, l'élection du président par le Congrès en même temps que s'installe une dictature.

En 1945 Vargas est déposé par un coup d'Etat qui impose des élections libres que Vargas remporte en 1950, mais il est contraint de démissionner en 1954 et se suicide.

Un autre président est élu, mais est renversé par la junte militaire en 64.

Avec le gétulisme, on retrouve le culte de la personnalité, le corporatisme, l'interdiction des partis, le contrôle de l'information, la répression des opposants...aspects d'une dictature fascisante mais en revanche il n'y a pas de parti unique, de racisme (on fait l'apologie du métissage), il applique une politique sociale (salaire minimum, congés payés, premières grandes universités qui acueillent lévi Strauss et Braudel). C'est un populisme très ambigu: Vargas créera même deux partis: un basé sur la vieille clientèle de la dictature composé de notables et l'autre, parti des travailleurs, qui est créé pour conserver les soutiens populaires.



Une des raisons qui expliquent pourquoi le rapport à la démocratie est ambigu.

Il y a 7 grandes phases dans l'histoire constitutionnelle: l'Empire (1822-1889), les deux républiques militaristes (89-1937), l'Estado Novo, la 3ème république (46-64), la dictature militaire (64-85): abolition des partis politiques, régime présidentiel militarisé mais une transition démocratique vers la 4ème république (depuis 1985, qui commence avec un président civil désigné. En 1988 la Constitution fédéral entraîne le doublement du corps électoral, l'élection directe du président et le référendum choisissant le régime présidentiel en 93.

Depuis 22 ans le Brésil connaît une stabilisation démocratique, sans intervention militaire et avec des élections libres. L'élection libre découle de mouvements populaires (entamés par les direttas en 83).

Il y a une conquête populaire de l'élection du président.

Un deuxième cas exemplaire: Collor, élu président en 1989, voit son épouse accusée de détournements de fonds et de financement occulte; son frère l'accuse de détournement de fonds. Une commission d'enquête découvre l'existence de pots-de-vin et de détournement de fonds. En septembre, la procédure de destitution est engagée; Collor démissionne en décembre 1991.

La crise politique s'est résolue démocratiquement et pacifiquement.



L'alternance réussie: la gouvernabilité limitée

Aux présidentielles de 94, Cardoso est élu au premier tour et fait deux mandats.

L'alternance a lieu lors de l'election d'octobre 2002. A l'époque le Brésil sans doute le pays le plus inégalitaire au monde (inégalités sociales, démographiques...). Dans ce contexte, c'est un leader de gauche, ex-révolutionnaire, qui est élu, Lula; symbole des difficultés de la classe ouvrière brésilienne qui possède une aura de combattant sydicaliste. En 1981 il passe en politique et crée le parti des travailleurs PT, soutenu par les trotskistes et le clergé progressiste. Le PT devient peu à peu un parti réformiste et surtout honnête (jusqu'à l'élection...), obtient de nombreuses municipalités qui inventent le budget participatif. L'élection présidentielle oppose Lula à un candidat social-démocrate, Serra, mais la campagne ne se fait pas sur les programmes, assez similaires, mais sur les personnes et le refus de la corruption. Lula l'emporte, à la surprise générale; c'est, mis à part Lech Walesa, un cas unique d'élection d'un ouvrier à la présidence.

« D'abord le nécessaire, ensuite le possible, enfin l'impossible »

Lula applique une politique économique assez rigoureuse pour redresser le Brésil, et une politique sociale. Le parti est atteint par la corruption, le scandale d'achat de députés, ce qui n'empêche pas Lula d'être réélu.

Ce qui permet de réfléchir aux particularités du Brésil de deux manières.

Le problème du Brésil est que la gouvernabilité est limitée à cause de la tradition fédérale et que la faille est qu'il est difficile de remédier à ces carences sans une démocratie majoritaire et un soutien fort du Congrès à la politique du président, ce qu'il n'a pas à cause du mode de scrutin, de la diversité des partis politiques, et c'est un frein à l'efficacité politique.

La corruption, même en voie de régression, reste un problème récurrent.

Les deux éléments sont liés: la prolifération des petits partis va avec le changement facile d'étiquette politique. L'absence d'une grande machine centralisée favorise la corruption des élus.


Le cas brésilien pointe un des riques du régime présidentiel, qui n'est pas un pouvoir trop puissant, mais trop faible, s'il y a des accords entre législatif et exécutif ou des oppositions, qui entraîne une dérive vers le Congrès.

Iil y a des variantes du régime présidentiel dans les pays d'Amérique Latine, autoritaire comme au Venezuela d'Hugo Chavez, majoritaire au Chili grâce au mode de scrutin (majoritaire binominal) qui encourage la bipolarité, congrétionnel au Brésil qui s'explique par l'unique contrainte: l'élection directe du président.

Publié dans Semestre 1

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