EW10 - La concurrence imparfaite
La concurrence imparfaite
En concurrence pure et parfaite, le surplus marginal (la marge prise par les entreprises sur le coût de revient de leurs produits) est nul, le coût marginal est égal au prix. Est-ce crédible dans la réalité ? C’est l’approche normative de l’économie, ce qui devrait se passer, mais pour accéder à quelque chose d’exact il faut s’en débarrasser. D’ailleurs le graphique issu de la lettre du Trésor-économie montre que le prix est toujours supérieur au coût de production, plus ou moins selon les pays.
Il faut donc briser la concurrence pure et parfaite, ne pas se satisfaire de ce paradigme ; en effet, sur certains marchée, on observe :
- L’existence de marges
- Petit nombre d’entreprises
- Tentations d’ententes, surtout lorsqu’il y a peu d’entreprises, des pratiques non-concurrentielles.
Il faut donc faire une modélisation de la structure de marchés (nombre d’entreprises, différentiation des produits, degré d’intégration verticale) : cela fait partie d’une branche de l’économie appelé organisation industrielle, selon laquelle il y a plusieurs types de marchés possibles :
- Une seule entreprise (monopole)
- Plusieurs entreprises (oligopole, duopole)
- Produits différenciés (marques) mais avec concurrence (concurrence monopolistique)
I] Entreprise en concurrence imparfaite :
1) La théorie du monopole
En gardant l’idée qu’il n’y a pas d’altruisme et que ce que recherche l’entreprise est toujours le plus fort profit possible, par contre on suppose cette fois que l’entreprise a un pouvoir de marché, et elle peut fixer son propre prix. C’est un pouvoir partiel car la demande n’est que partiellement élastique (on ne peut pas forcer les gens à consommer, pas d’achat pour un prix infini, donc pas de réactivité parfaite de clients qui ne suivent pas parfaitement la hausse ou la baisse des prix)) ; on étudie la conséquence de cette hypothèse sur de nombreux facteurs (niveau de production, prix, marges, efficacité du marché, politiques publiques).
On repart de l’idée qu’au choix optimal de l’entreprise, le revenu marginal est égal au coût marginal, et on étudie le cas simple d’un monopole « pur » (production q vendue à un prix unique p). Il choisit q et p mais est contraint par la demande, c'est-à-dire qu’il fait face à une demande D(p) décroissante et une élasticité ε<0
Il produit de façon à ce que l’offre soit absorbée par la demande : il ne peut choisir p et q sans penser à cette relation : D(p)=q. La demande inverse, le prix qu’il faut pour absorber la production, donne p(q) un lien décroissant entre p et q. L’élasticité de la demande inverse est égale à l’inverse de l’élasticité : 1/ ε.
Le revenu du monopole est égal à : R(q) = p(q)*q. Que vaut le revenu marginal Rm ? C’est la somme de deux effets :
Rm = [q*p(q)]’ = p(q) + p’(q)*q. C’est négatif car la dérivée du prix par rapport à la quantité produite est négative (car l’élasticité à la demande inverse est négative).
En concurrence pure et parfaite, p’(q) = 0 ; Rm = p(q) = p. Maintenant, p’(q) est négatif, donc le revenu marginal sera inférieur à p(q).
En écriture équivalente, Rm = p(q)*(1+1/ε).
Graphiquement, la courbe de revenu marginal est sous la demande inverse de p(q).
Enfin, puisque Rm = Cm, on obtient : FORMULE (2)
Sinon, la tarification est au-dessus du coût marginal, ce monopole prend une marge (mark-up) sur le coût marginal de production. Cette marge, si l’élasticité tendait vers zéro, pourrait être infinie.
Etude du bien-être :
Le fait qu’il ait pu fixer ce prix spécifique, plus haut, crée une rente de monopole marginale pour chaque produit vendu, le surprofit.
Le monopole n’est pas Pareto-optimal, le monopole pourrait produire plus et vendre à un prix plus bas à de nouveaux consommateurs : tout le monde en bénéficierait. Cependant le monopole pure ne peut pas tarifer différemment pour ceux qui paient et ceux pour lesquels, pour qu’ils achètent, le prix doit baisser.
Si on suppose qu’il peut avoir une tarification différenciée, qu’il est un monopole discriminant. On peut citer la SNCF (familles nombreuses, cartes 12-25)
Le monopole parfaitement discriminant serait capable de vendre à chaque client de telle sorte à ce que ça soit le plus avantageux possible pour lui : le prix est égal au prix d’opportunité de chacun. La quantité produite est celle qui serait produite en concurrence pure et parfaite ; toutefois les consommateurs n’ont plus aucun surplus, le monopole a tout le surplus collectif. Comme il maximise son surplus, le surplus collectif est maximum : l’efficacité est parfaite, mais il n’y a aucune égalité. GRAPHE : figure 2bis
Le monopole pur utilise son pouvoir de marché : son prix augmente par rapport à PCPP, il y a plus de profits, mais la consommation totale du bien baisse, il y a une perte de surplus total.
2) La théorie de l’oligopole
Quel va être l’impact de la présence de davantage d’entreprises sur le marché ? On conserve l’hypothèse d’homogénéité (pas de marques, sinon c’est une concurrence monopolistique). Le modèle d’oligopole étudié ici est celui de Cournot (1801-1877), par opposition à celui de Bertrand (plus de profits de l’entreprise à l’équilibre, prix le plus faible possible, garde des éléments de concurrence pure et parfaite).
On fait une analyse quasi identique : Cm=Rm, mais Rm différent pour l’entreprise i : FORMULE
En réécrivant le mark-up, on voit qu’il est égal à –αi/ε (>0). Plus αi est élevé, plus la rente d’oligopole est grande. Si αi = 1, on revient au monopole.
Si le nombre d’entreprises (N) augmente, Rm est plus proche de p(q). En effet les entreprises tarifient plus bas, elles produisent des quantités collectivement plus importantes, et le surplus des consommateurs et des entreprises sont plus élevés (coûts marginaux croissants avec la production : avantage pour chaque entreprise qui individuellement produit moins).
Résumé :
Ce mécanisme est limité en concurrence imparfaite, car les entreprises on un contrôle partie sur le prix de leur produit (demande au niveau de l’entreprise : n’est plus horizontale, a une pente négative).
II] Analyse et politiques de la concurrence
1) Les oligopoles naturels
Les politiques publiques en concurrence imparfaite ont pour but que restaurer l’efficacité du marché ; il faut pour cela comprendre les sources de la concurrence imparfaite, car restaurer la concurrence pure et parfaite n’est pas toujours la meilleure des solutions.
Le long-terme correspond à la libre entrée potentielle d’entreprises : puisqu’en situation d’oligopole, les profits sont positifs, il devrait y avoir sur le long-terme l’entrée d’entreprises et donc une disparition de ces monopoles ou oligopoles. En pourtant des monopoles subsistent, comme dans le cas de l’énergie, du transport ferroviaire, les compagnies des eaux. C’est la même chose pour certains oligopoles (téléphones, etc.). C’est principalement parce que les coûts fixes sont immenses, donc les coûts moyens sont élevés, les profits sont plus faibles (coûts fixes, investissements en partie remboursés par les spécificités des situations de monopoles).
Les coûts fixes (et plus généralement les rendements d’échelle, les coûts moyens de long-terme décroissant) impliquent l’existence d’oligopoles naturels, voire d’un monopole naturel.
Les solutions à cela peuvent donc passer par :
La tentative de suppression des coûts fixes en séparant les infrastructures du service et en laissant de la concurrence sur le service (solution anglaise ; RATP et SNCF ; distinction l’entreprise qui transporte l’énergie et l’EDF). Cela revient à rendre un marché « contestable », selon la théorie de Baumol, toute entreprise peut librement entrer et sortir du marché. Cela suffit à restaurer l’efficacité (la simple menace de concurrence fait que le monopole doit baisser ses prix à un niveau compatible avec l’efficacité maximale).
Une autre solution serait de réguler le monopole, lui imposer une tarification au coût marginal : cependant le profit marginal baisse et donc ne Aucune incitation à réduire les coûts
Sinon, il y a la règle de Ramsey-Boiteux, qui impose au monopole une taxe avec un profit marginal surpassant le prix marginal, mais de façon fractionnelle. C’est un optimum de second rang : reste inefficace, mais moins qu’en simple situation de monopole
En pratique, s’il y a plusieurs sortes de consommateurs formant des blocs, on diversifie les prix : un prix de monopole pour le premier bloc, etc.
2) Les barrières à l’entrée
Elles ne sont pas naturelles, mais issues de régulations : elles peuvent prendre la forme de réglementations (nombre d’entreprises sur le marché limité par ces réglementations, donc décidé par elles) Lorsqu’il existe des barrières à l’entrée non-naturelles, il faut les supprimer.
Exemple : Transport routier, la suppression par J. Chirac des régulations fait exploser la concurrence et de l’emploi (attention, pas de causalité).